LA DÉMARCHE SCIENTIFIQUE POUR APPORTER SA PIERRE À L’HISTOIRE

Cet article vise à rappeler la nature de la méthode scientifique. Son application est pertinente en histoire et en archéologie. Il est clair que la méthode que nous utilisons, en collaboration avec d’autres chercheurs tels que Howard Crowhurst, Alan Becquet, Yann ou Fred Malbos, repose sur des bases scientifiques rigoureuses. Ce qui ne veut pas dire que nous avons toujours raison, mais nous appliquons réellement des méthodes rigoureuses. En revanche, certains commentateurs (auto-proclamés experts) semblent tenter de promouvoir des pratiques méthodologiques discutables. Il semble évident que ces individus utilisent des biais pour restreindre toute remise en question des consensus établis. Le consensus étant par définition un moyen d’empêcher tout débat. Le web est saturé de gardiens de la pensée qui défendent davantage leurs propres croyances que la vérité.

Idée reçue numéro 1 : L’histoire doit s’appuyer sur des textes, sur des preuves écrites.

L’argument est souvent soulevé, et de nombreux commentateurs demandent des textes confirmant telle ou telle hypothèse. Par exemple, plusieurs d’entre nous ont présenté des preuves indiquant que les anciens avaient probablement mesuré avec précision la taille de la Terre et possédaient de solides connaissances en astronomie. Cependant, des prétendus experts exigent maintenant des textes expliquant en détail comment les Égyptiens ont réalisé cette mesure, ou des textes mentionnant explicitement leur connaissance des dimensions de la Terre. Malgré tout, certains textes font référence à une mesure indiquant une connaissance des dimensions de la Terre. Ces faits sont mis en lumière par l’égyptologue allemand Guyla Priskin.1. Je peux ajouter que les textes à propos de Thot indique “qu’il est celui qui arpente cette terre entière”. 2). Mais ces textes ne sont pas les preuves les plus objectives.

Mais rappelons que l’historien n’utilise pas que les textes.

La méthodologie de recherche en histoire, comme toute autre méthode scientifique, elle comporte deux séries d’opérations :
1° étudier le document (récits, écrits, objets, monuments) pour déterminer quels ont été les faits particuliers passés dont le document est la trace ;
2° après avoir établi ces faits, les grouper en une construction méthodique pour découvrir les rapports entre eux.
Author NSEIGNOBOS, Charles. Méthode historique et sciences sociales In : La méthode historique appliquée aux sciences sociales [en ligne]. Lyon : ENS Éditions, 2014 (généré le 16 octobre 2019). Disponible sur Internet : <http://books.openedition.org/enseditions/492>. ISBN : 9782847885750. DOI : 10.4000/books.enseditions.49ame
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Comme vous pouvez le lire ci-dessus, les “objets et monuments” font partie du matériel que peut utiliser l’historien. Les textes ne peuvent être l’unique source pour de nombreuses raisons. En effet, on ne connait pas le contexte dans lequel est rédigé le texte. Est-ce que l’auteur est sous l’emprise de drogues, est-il en train d’écrire une fiction, est-il honnête dans son propos, est-on certain de la traduction ? La fiabilité d’un récit écrit ne constitue pas une preuve infaillible.

Bref, pour soutenir Fred sur la chaine l’Apprentisage, il est tout à fait possible d’envisager que les anciens Égyptiens ont pu mesurer les distances entre les planètes, même si cela n’est pas écrit dans un papyrus. Pour cela, il faut trouver des indices tangibles de cette connaissance sur d’autres supports. Les monuments par exemple pourraient faire partie d’un vaste système de langage, reposant sur la géométrie et des nombres. Le chercheur dispose pour cela d’outils de probabilité, de géométrie et mathématique entre autres.

Il est essentiel de garder à l’esprit que l’absence de textes ne constitue pas une preuve absolue de l’absence de connaissance. Les archéologues et les historiens sont capables de reconstruire des récits à partir d’artefacts, de monuments, et de traditions orales, même en l’absence de textes directs. Rester ouvert à ces différentes sources de savoir est crucial pour une compréhension approfondie des civilisations anciennes. Les limites de la connaissance ne peuvent être déterminées uniquement par la présence de textes, et il est donc nécessaire d’explorer d’autres moyens pour en apprendre davantage. Par exemple, bien que les égyptologues ne disposent d’aucun document expliquant la construction des pyramides, ils reconnaissent que les anciens Égyptiens possédaient ce savoir-faire. Cette perspective met en lumière l’importance de ne pas limiter notre compréhension historique à la seule présence de textes.

À propos du nombre Pi, parmi les rares papyrus traitant de mathématiques, il est mentionné une méthode pour calculer la surface d’un cercle, avec une valeur théorique de Pi égale à 3,16 au lieu de 3,141592… Cependant, ce papyrus ne suffit pas à délimiter les connaissances mathématiques des anciens Égyptiens, car l’identité de son destinataire demeure inconnue. Était-ce un outil de calcul destiné aux paysans pour évaluer la surface de leurs champs circulaires plus simplement ? Ou bien s’agissait-il d’un document d’initiation aux mathématiques ? Cette information nous échappe. Et des Égyptologues tel que David Lightbody 3 et Leon Cooper 4 soutiennent l’idée que les Egyptiens avaient une bonne connaissance du nombre PI par intermédiaire de la fraction 22/7. Ils s’appuient essentiellement sur des monuments et des objets qui révèlent cette connaissance. (temples, colonnes à 22 cannelures…). Les textes ne leur fournissent que des bases culturelles et rituelles de l’encerclement comme rite magique de protection.

Prenons un exemple avec un exercice que l’on trouve dans des livres destinés aux élèves de 6ème.

Cette petite carte mentale résume les limites d’histoire basée sur des textes.

Bref, en histoire, les chercheurs ne se basent pas uniquement sur des textes pour déterminer les connaissances scientifiques des civilisations passées. L’archéologie et d’autres sources matérielles jouent un rôle crucial dans la reconstruction de notre compréhension des connaissances scientifiques anciennes. Un exemple notable est l’Antiquité gréco-romaine.

L’Antiquité gréco-romaine et l’ingénierie hydraulique

Les civilisations gréco-romaines ont légué un héritage important en matière d’ingénierie hydraulique, qui ne repose pas uniquement sur des textes, mais aussi sur des vestiges matériels. Les Romains, en particulier, étaient réputés pour leur maîtrise de l’ingénierie civile et hydraulique.

  1. Aqueducs : Les aqueducs romains, tels que l’Aqueduc du Pont du Gard en France, sont des exemples impressionnants de constructions hydrauliques. Ces structures permettaient le transport de l’eau sur de longues distances pour approvisionner les villes en eau potable.
  2. Égouts et systèmes d’assainissement : Les fouilles archéologiques dans des villes comme Rome ont révélé des systèmes sophistiqués d’égouts et d’assainissement. Ces découvertes matérielles fournissent des informations sur les connaissances avancées en matière d’hygiène et d’ingénierie sanitaire.
  3. Machines hydrauliques : Des découvertes archéologiques ont mis en lumière l’utilisation de machines hydrauliques dans des domaines tels que la construction, l’exploitation minière et même les spectacles publics. Les moulins à eau et les systèmes de levage hydrauliques témoignent de compétences avancées dans l’application de la puissance hydraulique.

Ces vestiges matériels, associés à des études archéologiques approfondies, fournissent des preuves tangibles des compétences scientifiques et techniques des civilisations antiques sans avoir pour autant des écrits complets sur le sujet. Il est donc possible de déduire des connaissances en science et ingénierie sans pour autant avoir des textes qui attestent ces connaissances. C’est l’observation de l’existant qui permet cela.

Idée reçue numéro 2 : L’archéologie n’est pas une histoire de probabilité.

Cet argument est moins courant, mais il y a des personnes qui contestent l’utilisation des méthodes probabilistes. Par exemple, pour soutenir l’idée que les Égyptiens avaient connaissance d’une mesure linéaire similaire à notre mètre moderne. Alors, que dit la page Wikipedia à propos de l’archéologie scientifique ?

Deux termes clefs sont présents dans cette définition : “l’induction” et la “déduction”, ces deux voies menant à un processus hypothético-déductif. Or, l’induction est historiquement le nom utilisé pour signifier un genre de raisonnement qui se propose de chercher des lois générales à partir de l’observation de faits particuliers, sur une base probabiliste.

L’approche hypothético-déductive consiste à émettre des hypothèses, à recueillir des données, puis à tester les résultats obtenus pour réfuter ou appuyer les hypothèses.

Prenons un exemple :

Idée reçue n° 3 : Quand on fait une hypothèse, on essaye de la casser pour voir si elle est juste.

Celle-là, on l’entend souvent dans la bouche de gens qui se prennent pour des super-détectives de la vérité, des experts en scepticisme ultime. Par exemple, Thomas Durand de la tronche en biais rabâche ce mantra fréquemment, et il l’a fait dans une conférence traitant de la pyramidiologie en compagnie d’un autre triste sir. Mais est-ce que c’est sérieux ? Et bien non, parce qu’intellectuellement, on peut tordre des hypothèses parfaitement vraies dans tous les sens pour les rendre bizarres, voire complètement loufoques. Voici quelques exemples :

Les nuages amènent la pluie, c’est un fait connu, personne n’en doute. Pourtant, statistiquement, il y a bien plus souvent des nuages dans le ciel sans pluie que des nuages avec de la pluie. Donc, on peut suspecter que les nuages n’apportent pas la pluie. Nous pourrions vous faire douter de choses relativement évidentes en procédant ainsi.
C’est de moi ça… c’est tiré d’un conte en cours d’écriture.
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Il est connu que les chats retombent toujours sur leur patte, et que les tartines beurrées tombent de la table sur le sol du côté du beurre : “Prenons une tartine beurrée et attachons-la au dos d’un chat. Si les chats retombent toujours sur leurs pattes et que le pain beurré retombe toujours du côté beurré, que se passe-t-il quand on attache le pain beurré au dos du chat ? La physique des tartines beurrées et celle des chats ne sont-elles pas en contradiction ?”
Celle-ci est de mon chat…
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Il est souvent reproché aux chercheurs iconoclastes et indépendants de rechercher des faits qui vont dans le sens de leurs hypothèses. Les policiers de la pensée appellent cela “des biais de confirmation”. Ces derniers reprochent donc de ne pas essayer de casser les hypothèses plutôt que de chercher des indices qui les renforcent. Or, cela n’est pas interdit en science, et dans de nombreux cas de figure chercher à confirmer une hypothèse se pratique. Voici des exemples de situations :

  1. Recherche de confirmation : Dans certaines études, les scientifiques peuvent avoir des hypothèses qu’ils cherchent spécifiquement à confirmer. Par exemple, si une théorie ou un modèle prédit un résultat particulier, les chercheurs peuvent concevoir des expériences pour confirmer cette prédiction et renforcer ainsi la validité du modèle.
  2. Validation d’instruments ou de méthodes : Lorsque les scientifiques développent de nouveaux instruments, des techniques de mesure ou des méthodes d’analyse, ils peuvent concevoir des expériences visant à valider ces outils plutôt qu’à remettre en question une hypothèse particulière. Cette validation est cruciale pour garantir la fiabilité des instruments et des méthodes utilisés dans la recherche.
  3. Recherche exploratoire : Dans certaines études exploratoires, l’objectif peut être de générer des hypothèses plutôt que de les tester de manière rigoureuse. Les chercheurs peuvent mener des observations, des entretiens ou des enquêtes pour explorer un nouveau domaine sans avoir d’hypothèses spécifiques à tester.

Bien que la remise en question des hypothèses soit une pratique courante dans la science, il existe des contextes où la confirmation et la validation est un objectif légitime. Cela dépend toujours des questions de recherche, des objectifs de l’étude et du domaine spécifique de la science concernée. L’essentiel est de maintenir une approche méthodique et rigoureuse pour assurer la validité des résultats obtenus.

Il est possible d’être plus concret dans ces exemples :

  1. Confirmation d’une prédiction théorique :
    • Exemple : La théorie de la relativité générale d’Albert Einstein prédit que la lumière d’une étoile lointaine sera déviée en passant près d’un objet massif, comme une galaxie. Les astronomes peuvent concevoir des expériences pour mesurer cette déviation et confirmer ainsi la prédiction de la théorie.
  2. Validation d’une nouvelle méthode de diagnostic médical :
    • Exemple : Des chercheurs développent une nouvelle méthode d’imagerie médicale qui, selon leur hypothèse, devrait fournir des résultats plus précis que les méthodes existantes. Ils peuvent concevoir des expériences pour comparer les résultats de leur nouvelle méthode avec ceux des méthodes établies afin de valider son efficacité.
  3. Confirmation de l’efficacité d’un traitement :
    • Exemple : Des chercheurs testent un nouveau médicament conçu pour traiter une maladie spécifique. L’hypothèse sous-jacente est que le médicament sera efficace. Les essais cliniques sont conçus de manière à confirmer cette hypothèse en mesurant l’amélioration chez les patients traités par rapport à un groupe témoin.
  4. Validation d’une théorie mathématique :
    • Exemple : Un mathématicien développe une nouvelle théorie dans le domaine de la topologie. Pour confirmer cette théorie, il peut concevoir des démonstrations mathématiques et des expériences numériques pour montrer que ses propositions sont cohérentes et vérifiables.

Dans ces exemples, l’accent est mis sur la confirmation ou la validation plutôt que sur la réfutation. Cependant, il est important de noter que, quelle que soit l’approche, la rigueur scientifique exige une conception soigneuse des expériences, une collecte de données précises et une interprétation objective des résultats.

Voici un autre exemple peut être encore plus parlant.

Imaginons une molécule qu’on appellera la “quinine”. Imaginons que la quinine permette de faciliter le rétablissement d’une grippe, de réduire la durée et l’intensité des symptômes, voire la mortalité. Cette quinine pour être efficace devrait selon son découvreur être donnée à raison de 500 mg par jours pendant 5 à 7 jours, dès les premiers symptômes. Très rapidement, il y a des études scientifiques qui tendent à confirmer que ce protocole fonctionne. L’hypothèse semble valable.

Maintenant, imaginons des charlatans qui prétendent faire de la science et qui veulent casser l’hypothèse de départ. Et oui, les charlatans ont un autre médicament plus rentable à vendre. Ils vont donc donner 200 mg de quinine au lieu de 500 mg par jour et attendre que les malades atteignent un pic symptomatique intense, voir en situation de détresse respiratoire. Dans ce cadre-là, la quinine ne parvient pas à guérir les malades.

Mais cela ne veut pas du tout dire que la quinine ne fonctionne pas. Cela veut simplement dire que le protocole des charlatans ne fonctionne pas. Le dosage n’est pas bon, et la temporalité du traitement n’est pas bonne non plus.

Les charlatans qui voudraient montrer la toxicité de la quinine iront jusqu’à donner des doses toxiques. Ainsi, ils pourront conclure que le traitement est dangereux et tenter de le faire interdire pour laisser le champ libre à leur molécule ultra rentable.

Conclusion, vouloir casser l’hypothèse n’est pas vraiment ce qu’il faut faire en science. Sauf pour les charlatans que cela arrange. (Toutes ressemblances avec une histoire vraie que vous auriez connue ces dernières années sont fortuites ! LOL)

Voici un autre exemple : Il est connu qu’en cas de malaise provoqué par une hypoglycémie (chute du taux de sucre dans le sang) il faut consommer rapidement 10 à 20 g de sucre ou de glucose pour retrouver ses esprits. Toutefois, si je veux prouver le contraire il me faut administrer à la personne une dose 200 g de glucose pour que celle ci fasse une autre hypoglycémie réactionnelle à la trop forte dose de glucose. J’ai ainsi démontré par l’absurde que le glucose est dangereux en cas d’hypoglycémie. J’ai donc cassé l’hypothèse et la théorie connue.

Bilan, vouloir casser une hypothèse en cherchant des contre-arguments n’est pas toujours judicieux et ne relève pas d’un critère incontournable de la science. Sauf pour des religieux qui portent l’habit de la science et qui ont besoin de rassurer leurs propres croyances

Conclusion

Vous l’aurez compris, nous n’avons pas à faire à des débatteurs scientifiques, mais à des charlots déguisés en scientifiques. Cela relève plus de la psychosociologie, voire de la psychopathologie, car les loups hurleurs défendent surtout les idées qui leur conviennent. Voir ses propres croyances voler en éclat lorsqu’elles sont durement acquises dans un processus de sélection scolaire et/ou professionnel est une chose que la plupart des individus ne peuvent faire sans résistance. Et il arrive que ces résistances en deviennent ridicules, et parfois dangereuses en prenant la forme d’injonction inquisitrice.

Notes et sources
  1. Publié dans Göttinger Miszellen 208 (2006), pp. 75-88[retour à l'article]
  2. ». (Edfou I, 333, 16-7 ; III, 251, 13.) (Page 26[retour à l'article]
  3. David Lightbody, Biography of a Great Pyramid Casing Stone in The Journal of Ancient Egyptian Architecture, JAEA 2016 Vol 1 p 49-56.[retour à l'article]
  4. Leon Cooper, Did Egyptian scribes have an algorithmic means for determining the circumference of a circle? Historia Mathematics, 2001, Vol 28, p 455 484[retour à l'article]

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1 Commentaire

  1. Le savoir n’est ni une sagesse ni une science il est l’acquisition d’une suite d’expériences.
    Ma modestie m’empêche de vous citer l’auteur de cette phrase et mon humilité m’interdit de vous parler du chef d’oeuvre que je suis.
    Paco.

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